Izanami & Izanagi
Salut tout le monde ! Pour la chronique culturelle de ce mois de décembre (oui, un peu en retard, désolé, cela n’a pas été simple pour tout le monde ces deux semaines de fêtes), j’ai choisi le thème « Religion, cultes & mythes », que j’affectionne particulièrement. Et quoi de mieux pour débuter cela, que d’embrayer sur le commencement ? Je vais en effet vous parler plus longuement du couple Izanami (イザナミ) & Izanagi (イザナギ). Selon la légende, ils seraient à l’origine de la création du Japon. Mais revenons un peu en arrière si vous le voulez bien.
La Génèse (du monde)
Il est dit qu’au commencement, la Terre et les Cieux n’étaient que chaos. Apparurent donc, Amanominaka-nushi (天之御中主), Takami-musuhi (高御産巣日/高皇産霊) et Kami-musuhi (神産巣日/神皇産霊), suivies de deux autres appelées Umashiashikabihigoji (宇摩志阿斯訶備比古遅) et Amenotokotachi (天之常立), à Takamanohara (高天原, signifiant « haut dans les cieux »). On en parle peu et elles ont une incidence relativement faible sur la plupart des mythes, mais sont toutefois considérées comme les forces qui dirigent le monde. Elles portent toutes les cinq le nom de Kotoamatsukami (別天津神, « déités des cieux distingués »).
La Génèse (du Japon)
Issus de l’une des sept générations de déités suivantes, les Kotoamatsukami, Izanami & Izanagi (dont le nom signifie « celle qui invite ») ont créé le Japon. Ils sont chargés de « compléter et de solidifier cette terre à la dérive ». Ils vont donc se rendre au pont reliant la Terre aux Cieux, Ame no ukihashi (天浮橋, « le pont céleste flottant »), d’où ils lanceront Ame no nuhoko (天沼矛, « la Lance Céleste ») ornée de pierres précieuses, qui transpercera les flots. Des gouttes qui en tombèrent, naquit d’elle-même l’île Onogoro.
Suite à cela, ils descendirent du pont céleste et s’y établirent. Ils ont commencé par y construire une colonne appelée Ame no mihashira (天御柱, l’« Auguste Pilier Céleste ») et tout autour un palais appelé Yahirodono (八尋殿, la « Pièce des Huit Pas »).
Izanami & Izanagi
Sur les conseils de la sœur d’Izanagi, ils inventèrent le rituel nuptial. Izanagi et Izanami dessinaient des cercles autour de la colonne dans des directions opposées (vers la droite pour Izanami et vers la gauche pour Izanagi). Une fois le rituel effectué, Izanami se mit à parler la première, ce qui n’était pas la bonne chose à faire. Elle enfanta alors de deux entités mal-formées : Hiruko, l’enfant aquatique qu’ils confièrent à la mer en le plaçant dans une barque de joncs, et Awashima. Sur le conseil des Amatsukami, ils annulèrent cette union et c’est Izanagi qui initia la demande en mariage.
De cette union naquirent les ooyashima (大八洲), ou les huit grandes îles de la chaîne japonaise :
– Awaji
– Iyo (plus tard Shikoku)
– Ogi
– Tsukushi (par la suite Kyūshū)
– Iki
– Tsushima
– Sadogashima
– Yamato (qui deviendra Honshū)
Hokkaidō , Chishima et Okina wa n’y sont pas, puisqu’elles ne faisaient pas partie des régions du Japon d’autrefois. Ils donneront également naissance à six autres îles et de nombreuses divinités, sur lesquelles je ne vais pas m’arrêter.
Naissance de Kagutsuchi
En revanche, je vais m’attarder sur celui-ci.
Ce dernier est le dieu qui incarne le feu. Lors de sa naissance, Kagutsuchi (軻遇突智) brûla grièvement Izanami, qui décéda à la suite de ses blessures. Izanagi, son père, fût donc pris d’une rage immense et l’assassinat en le décapitant. De ce meurtre jaillirent une douzaine d’autres divinités. Avant de mourir, Izanami vomit deux kami : les kami du métal (Kanayama-biko et Kanayama-hime), puis s’en alla au Yomi-no-kuni, le monde des morts. Oui, ce n’est pas super glamour comme fin.
Descente au Yomi
Yomi (黄泉), est le pays de la nuit et de la mort. Izanagi y alla afin d’y retrouver sa femme et de la ramener sur Terre. Lorsque celle-ci apparut enveloppée d’ombres sur le seuil de Yomi, Izanagi salua chaleureusement son épouse et la pria de retourner auprès de lui. Elle convint de communiquer sa requête aux dieux du monde souterrain et, avant de se retirer dans les ténèbres, recommanda à son mari de ne pas la regarder. Mais Izanagi brulait d’un tel désir de la voir qu’il brisa une dent du peigne qu’il portait à son chignon gauche et l’enflamma pour en faire une torche. Il pénétra dans le royaume des morts et vit aussitôt qu’Izanami n’était qu’un cadavre en décomposition rongé par les vers et totalement décatie.
Pris de peur, il s’enfuit et scella l’entrée du monde des morts avec un énorme rocher, afin qu’aucun défunt ne puisse jamais plus en revenir. Izanami folle de rage, jura de tuer chaque jour 1.000 créations d’Izanagi, ce à quoi Izanagi répondit qu’il créerait chaque jour 1.500 créatures, ce qui engendra le cycle de la vie et de la mort.
On peut faire une analogie de cette partie de l’histoire, avec le mythe grec d’Orphée & Eurydice. Cette dernière est mordue par un serpent et meurt. Inconsolable, Orphée se met à chanter et les dieux lui accordent de descendre jusqu’aux Enfers pour la sauver. Grâce au son de sa lyre, il endormit Cerbère puis il arrive devant les monarques du monde souterrain, Hadès et sa femme Perséphone. Impressionnée par son courage et son amour, Perséphone prie Hadès de rendre Eurydice à son mari. Hadès accepte, à la seule condition qu’Orphée ne se retourne pas avant d’être sorti des Enfers. Eurydice, ne comprenant pas pourquoi Orphée ne lui adresse pas un seul regard, le supplie de la regarder. Il céda et Eurydice lui fait alors un signe d’adieu avant de disparaître pour toujours.
Purification
Après son périple, Izanagi voulut se purifier dans le fleuve de la vallée de l’Awakihara. En se lavant il donna naissance à de nombreux kami dont les trois plus importants du panthéon shintoïste qui sont : Susanoo (né de son nez), Tsukiyomi (né de son œil droit) et Amaterasu (née de son œil gauche). Cette dernière était d’une beauté éblouissante et d’une bienveillance sans égale, c’est pourquoi Izanagi lui offrit son collier de perles, symbole de la souveraineté et des Hautes Plaines Célestes. Il offrit ensuite le temps et la lune à Tsukiyomi et enfin les océans et les tempêtes à Susanoo. Les dieux du soleil, de la lune et des tempêtes sont nés.
Lorsque le soleil disparu
Suite à une querelle entre Amaterasu et Tsukiyomi, le frère et la sœur décidèrent de s’ignorer et de ne plus jamais se croiser, ce qui donna naissance au jour et à la nuit.
Susanoo, était violent et grossier. Il détruisait tout sur son passage, ne laissant que ruines et désolation. Il fut rejeté par son père, il se rendit au Takamanohara pour faire ses adieux à sa sœur Amaterasu. Mais celle-ci craignait qu’il ne vienne pour des motifs moins nobles. Elle lui demande alors de prouver la bonne foi de ses propos par un concours : le premier des deux qui engendre une divinité masculine gagne.
Amaterasu brise l’épée de son frère en trois morceaux qu’elle mâche et transforme en trois élégantes déesses. Susanoo mâche les perles de fécondité des chaînes ornementales de sa sœur et engendre cinq divinités masculines. Puis ils se réclament mutuellement leurs créations, arguant qu’elles sont issues d’un objet leur appartenant. Et Susanoo se proclame vainqueur. Fier de sa victoire, il adopte un comportement altier et irrespectueux envers son hôte.
Il outrepasse ses droits et Amaterasu décide alors de priver le monde de lumière en se confinant dans la caverne d’Iwayado et refuse d’en sortir. Les divinités célestes réussirent néanmoins à l’attirer dehors par la ruse en faisant appel à Amenouzume (天宇受賣/天鈿女) qui place un miroir devant l’entrée de la caverne et exécute une danse lascive qui ne tarde pas à provoquer l’hilarité chez les dieux. Piquée par sa curiosité, Amaterasu se questionna de cette joie soudaine alors que le monde est privé de sa lumière. Uzume lui répond qu’une nouvelle déesse plus somptueuse qu’elle est apparue.
La jalousie d’Amaterasu la fit sortir et elle aperçoit une très belle déesse à l’entrée de la grotte (en ignorant qu’il s’agit de son reflet). Pendant qu’elle reste stupéfaite, des dieux bloquèrent l’entrée de la grotte, et du même coup, sa retraite. Acculée, elle promet de ne plus fuir si Susanoo est banni du royaume des cieux. C’est dès lors qu’Uzume devint le symbole de la gaîté et de la bonne humeur, et synonyme de sensualité.
Le pardon de Susanoo
Exilé du royaume des cieux, Susanoo alla à Izumo. Il y trouva un vieil homme et sa femme pleurant le sort de leur fille nommée Kushinada. Susanoo leur en demanda la raison. Le vieil homme expliqua qu’ils avaient à une époque huit filles, mais qu’un serpent géant nommé Yamata-no-orochi (八岐大蛇/八俣遠呂智/八俣遠呂知), avait mangé leurs sept premières filles et réclamait à présent que l’on lui donne la huitième.
Susanoo tomba amoureux de la jeune fille et promit à ses parents de la sauver en échange de sa main. Il transforma alors la jeune fille en un peigne qu’il cacha dans ses cheveux, et construisit autour de la maison une muraille percée de huit ouvertures. Il ordonna que l’on place dans chaque ouverture une table avec sur chacune d’elle une grande jarre rempli de saké.
Attiré par l’odeur du saké, le serpent but tellement qu’il sombra dans le sommeil. Susanoo en profita alors pour anéantir l’ignoble bête. En découpant le monstre, son sabre buta sur une épée miraculeuse cachée dans l’une des queues de celui-ci. Pour se racheter auprès de sa sœur Amaterasu, il lui offre par la suite cette lame, Kusanagi no tsurugi (草薙剣).
À noter que dans certaines versions, il s’agit plutôt d’un dragon que d’un serpent.
Poursuite du mythe & référence dans la japanimation
Je ne vais détailler la suite du mythe, puisqu’il commence à s’éloigner du sujet principal. En effet, Amaterasu envoya par exemple, son petit fils Ninigi pacifier les îles japonaises. Elle lui confia son collier de perles, le miroir sacré et l’épée Kusanagi qui devinrent plus tard les bijoux impériaux. Vous pouvez les voir respectivement au palais impérial, dans le sanctuaire d’Ise et dans le sanctuaire d’Atsuta, à Nagoya.
Ce mythe est repris un peu partout dans l’univers de la japanimation et du manga. Izanami est, par exemple, une technique interdite du « Sharingan » dans Naruto, utilisé par Danzô contre Sasuke. La technique de l’Amaterasu qui brûle tout sans s’arrêter, fait bien l’allégorie d’Amaterasu, la déesse du soleil, qui brûle perpétuellement. Izanagi est également la « persona » du héros dans le jeu Persona 4. Actuellement vous pouvez aussi voir Orochi, le serpent à huit tête dans l’anime Donten ni Warau.
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Voila, j’espère que cette chronique sera suffisamment complète, l’ayant amputée de pas mal de choses afin qu’elle ne soit pas trop indigeste. C’est un thème que j’aime vraiment beaucoup et je peux donc très vite m’enflammer et ne plus m’arrêter. D’autant plus que ce mythe là est, à mes yeux, vraiment très, très intéressant. Si jamais vous y avez appris des choses et que cela a éveillé en vous, l’amour de la mythologie, je suis alors totalement comblé.
Bises !
Note : Cet article a été écrit à l’origine pour AnimeServ.