Dédale ; quand survivre devient un jeu
Le manga dont il va être question dans cet article a un résumé assez peu original.
Reika et Yoko, deux amies, se retrouvent perdues dans un bâtiment inconnu, un véritable labyrinthe composé d’une infinité de pièces en tatamis. Un monde qui semble tout droit sorti d’un jeu-vidéo, et donc une nouvelle œuvre fortement inspirée de la mode Sword Art Online ? Pas vraiment en fait, Dédale s’avérant être en réalité une histoire surprenante sur la façon d’appréhender la réalité !
Dédale, ou « Hyakuman-jou Labyrinth » (littéralement « Labyrinthe d’un million de tatamis ») dans sa version originale, est un manga publié entre mai 2013 et mars 2015 dans le magazine Young Comic. Il est disponible chez nous en deux volumes chez Doki-Doki, ainsi que dans une édition intégrale.
Sachez également qu’un autre titre de son auteur, Takamichi, est également publié chez nous sous le nom de « Un Coin de Ciel bleu » chez Nobi Nobi. Une série en trois tomes assez différente de celle dont il est question ici, bien plus dans le genre tranche de vie détente.
L’histoire de Dédale nous emmène dans un univers labyrinthique, composé d’une infinité de salles de tatamis.
C’est dans cet environnement que vont évoluer Reika et Yoko, nos deux protagonistes, qui se retrouvent là sans trop savoir comment ni pourquoi. Et si elles travaillent ensembles comme « débogueuses » dans la même compagnie de jeux-vidéo Klein Software, tout le reste semble les opposer.
La première est ainsi très téméraire, un peu tête en l’air et du genre à avoir des idées improbables, ce qui l’aide d’ailleurs à trouver des bugs dans les jeux. Le contraire de sa camarade qui est bien plus calme et prudente, avec un esprit bien plus terre à terre. Une opposition qui va jusqu’au physique, Reika étant fine et agile alors que Yoko est plutôt enrobée avec une bonne force physique.
Mais c’est justement grâce à ces différences que le duo va tout de suite fonctionner, se complétant parfaitement l’une et l’autre. Dans ce monde inconnu et irréel, alors que la retenue et le sang-froid de Yoko lui permettront de canaliser Reika, ce sont la témérité et la malice de cette dernière qui les aideront grandement à avancer.
eux tempéraments qui se compensent idéalement, même si Reika va rapidement tirer son épingle du jeu dans cet univers inconnu. Et pour cause, ce monde rappelle fortement ceux que l’on peut trouver dans les jeux vidéo. Au départ, la comparaison se limite à la manière dont progressent nos héroïnes, c’est-à-dire en évoluant de salle en salle et en ramassant des « items » (des objets utiles, de la nourriture…).
Une progression qui fait donc très RPG, certains leur permettant d’accéder à de nouveaux endroits (comme un pied de biche) ou de mieux comprendre les mécaniques de cet endroit (avec une balle de tennis, une pantoufle…).
Une comparaison qui fonctionne car, comme dans un jeu, leur monde obéit à des règles précises.
Et comme dans un jeu, ces règles peuvent comporter des failles ou être détournées. Ça tombe bien, Reika est une pro pour contourner les règles et exploiter les « bogues ».
La « mécanique des tables basses » est sans doute la plus représentative. Le mécanisme est simple : quand vous posez un objet sur une de ces tables, il se trouvera également sur toutes les autres tables basses de ce monde.
On peut alors utiliser ces tables comme « lieu de stockage », notamment pour les objets encombrants ou lourds. Mais Reika, et son esprit ingénieux, va beaucoup plus loin en se demandant « que se passet- il si on met une table basse au-dessus d’une autre ? ».
La réponse est : elles se multiplient à l’infini, détruisant tout sur leur passage ! Voilà comment on passe d’un simple meuble à une arme surpuissante (mais pas très pratique certes).
Autre élément qui rappelle fortement un jeu vidéo : la présence d’ennemis.
Cependant, ces derniers représentent plus une simple menace qu’un véritable danger, surtout dans le premier acte. Une présence dont nos héroïnes devront tout de même se méfier.
Mais cette utilisation des ennemis dans le manga illustre assez bien l’ambiance globale du titre. Si la base de son scénario le situe fortement dans un schéma de « survie », sa narration est bien plus douce que les habitudes du genre. L’accent est bien plus mis sur l’aspect puzzle du monde où est notre duo.
On cherche davantage à le comprendre qu’à réellement en sortir, le mystère attise notre curiosité. Ressenti également très présent chez Reika, qui cherchera constamment à percer les secrets de cet univers.
De plus, le rythme de Dédale est assez doux et tranquille.
Nos héroïnes peuvent régulièrement faire une pause pour faire le point sur leurs dernières découvertes et se concerter sur ce qu’elles vont faire ensuite. La véritable tension ne vient ainsi pas de la survie en elle-même, mais des mystères qui entourent ce monde.
Le tout permet au lecteur une immersion prononcée, puisque lui-même se posera les mêmes questions que les personnages.
Cette atmosphère si particulière s’incarne également par le dessin de Takamichi.
Avec un style au trait épuré, il illustre son histoire par un dessin propre et efficace. Et si le visuel de ses personnages témoigne effectivement d’une sobriété prononcée, cela n’empêche pas au titre d’être doté de somptueux arrières plans. Et ce malgré, encore une fois, la répétition et la simplicité de ses décors.
C’est cette patte et cette manière originale de traiter une histoire de survie qui offre à Dédale une personnalité qui lui est propre.
Avec son dessin sobre et son histoire originale, Dédale est également un titre avec un fond complexe, tant sur la forme que la manière. Le mystère de son univers est très bien entretenu, les théories fusent au fil de la lecture et son rythme dose parfaitement sa tension et ses scènes d’actions.
On ne s’ennuie jamais et on cherche toujours à en savoir plus.
En prenant comme référentiel le jeu vidéo, le manga ne se contente pas d’un parallèle amusant. Il en profite pour aller jusqu’à questionner notre rapport à la réalité. Il nous invite également à sortir des sentiers battus, à penser autrement afin de parvenir à nos fins.
Ainsi, à la manière de Reika, on ne doit pas se contenter des possibilités qui nous sont offertes mais s’efforcer de créer notre propre voie.
En enrobant le tout dans une histoire de survie à laquelle se mêle puzzle et aventure, Dédale est un titre vraiment à part. Et donc d’autant plus intéressant à lire !
Cet article est une republication d’un article paru dans l’édition reliée n° 20-21 de Mag’zine, que vous :pouvez toujours aller le lire ici.