Orange
Titre original : Orange
Première année de publication : 2012 (JP), 2014 FR)
Éditeurs : Futansha (JP), Akata (FR)
Genres : drame/mystère/romance/
Nombre de volumes : 5 (terminé)
Public : 12 ans +
Avez-vous des regrets ? Des choses, actions que vous auriez aimé oser faire ? Et qui, potentiellement, ont changé à jamais votre vie ? C’est sur ces regrets-là que se base Orange, le manga d’Ichigo Takano qui a connu un franc succès chez l’éditeur indépendant Akata.
Pré-publié un premier temps, dans le magazine shojo Bessatsu Margaret de Shueisha en 2012, on le retrouve l’année suivante dans le Monthly Action de Futansha (qui publie du seinen). Chez nous, il est publié par l’éditeur indépendant Akata, en cinq tomes.
Un (très joli) coffret contenant l’intégralité de la série est disponible pour 39,75 €. Une adaptation en anime a été diffusée l’été dernier et est disponible chez Crunchyroll.
Un film, racontant l’histoire selon le point de vue d’un autre personnage (Suwa), est également sorti en novembre 2016 et sera adapté en manga pour ce début d’année (ce qui fait l’adaptation d’une adaptation, vous suivez ?). Enfin, un spin-off est sorti en manga fin 2016, et s’apparente à un préquel. Et… c’est tout (ah non, j’ai oublié l’adaptation live, zut).
Mais que raconte donc Orange ?
Une histoire où s’entremêlent romance, drame et science-fiction et ce, assez subtilement. On y suit donc la jeune Naho, lycéenne de seize ans, qui recevra un jour une lettre venue… du futur et écrite par… elle-même, dix ans plus tard. Le même jour, sa classe accueille un nouvel élève : Kakeru.
Évidemment, ces deux événement sont liés puisque la lettre a pour but d’indiquer à Naho comment « sauver » Kakeru. Elle contient de nombreuses informations sur le déroulement des jours et, surtout, les actions que Naho doit réaliser pour ne pas reproduire les mêmes erreurs que sa future elle.
C’est là que la notion de regrets devient centrale au sein du manga. Au fil des chapitres, Naho essaiera d’appliquer les conseils que contiennent la lettre. Et parfois, malgré tout, elle n’arrivera pas à trouver la force de le faire. La réalité étant cruelle, ses inactions seront toujours source de forts regrets.
Mais là où Ichigo Takano fut maligne dans son écriture, c’est dans le rapport avec la Naho du futur. Il est, à un moment, expliqué que les actions de la Naho du présent ne changeront en rien la situation de la Naho du futur. Si cela peut paraître triste sur le coup, c’est primordial pour rendre l’histoire belle. Naho n’agit donc pas dans l’intérêt d’une tierce personne, mais uniquement dans le sien. Ce qui tend également à donner une dimension émancipatrice au récit.
Au travers du personnage de Naho, Orange véhicule un message d’affirmation de soi, invitant ses lecteurs à gagner en assurance pour ne pas regretter leur inaction. De beaux messages donc, transmis avec une simplicité et surtout une sincérité plus que plaisante.
Cependant, l’histoire d’Orange ne se résume pas à la prise en main de Naho. Et ce n’est même qu’une partie de l’histoire. Il ne faut pas oublier la romance, les autres personnages et, surtout, Kakeru. Tout le long du récit, Naho sera entourée d’une fière troupe, composée de Suwa (le « gars sûr » par excellence), Saku, Azusa et Takako.
Une très belle bande d’amis, au point qu’elle supplante facilement le duo principal de Kakeru et Naho. Mais est-ce réellement une mauvaise chose ? Ce groupe donne chaud au cœur, que ce soit pour la maturité de Suwa, l’humour ravageur et fin de Saku, ou simplement la fiabilité complice d’Azusa et Takako envers Naho.
Au sein de cette bande elle-même, les choses sont bien faites, notamment une relation Azusa/Saku affreusement mignonne, alors qu’elle ne reste qu’un sous-entendu tout le long. C’est un groupe particulièrement vivant et joyeux auquel on finit forcément par s’attacher.
Et Kakeru dans tout ça ? Il est beaucoup plus renfermé que les autres personnages en terme d’émotions. On ne sait jamais ce qu’il pense et il n’existe qu’au travers de ses interactions avec le reste des personnages. Si cela lui donne une véritable dimension de garçon introverti (ce qui est clairement voulu), cela présente aussi l’inconvénient d’en faire un personnage un peu trop plat et indifférent. Il est très dur pour le lecteur de s’intéresser à lui tant il impose de remparts émotionnels. Mais si cela peut rebuter certains, il faut comprendre que c’est sans doute l’objectif recherché par l’auteure.
Kakeru est un personnage habité par le malaise, et cette manière de l’écrire le transmet d’autant plus. Orange, déjà doté d’une très belle moralité, possède une histoire au fond touchant, avec un personnage qui ne demande qu’à être aidé, accompagné. C’est sans doute l’origine du titre, arborant une couleur vive et chaleureuse. À l’image de cette bande d’amis et de Naho qui cherchent à apporter chaleur et réconfort à Kakeru.
Pour terminer sur une touche de légèreté, parlons du dessin d’Ichigo Takano.
Sa patte repose essentiellement sur un trait fin, particulièrement élégant, auquel se mêle quelques traits plus gras. C’est notamment le cas lors des scènes légères, où les visages des personnages sont particulièrement expressifs et amusants. D’ailleurs, parlons des physionomies.
À ce niveau, le manga se divise en deux styles. D’un coté, on a les expressions fines et réalistes, servant la plupart du temps, mais surtout, dans les scènes intenses en émotions. Dans ces moments forts, les visages ont beau conserver des mines assez sobres, elles brillent tout de même d’une redoutable efficacité. Le regard et les lèvres suffisent à transmettre bien plus d’émotions que des paroles. Une façon bien poétique de retranscrire le sentiments des personnages, ce qui est idéal pour une romance. À l’opposé, on a le dessin beaucoup plus léger déjà mentionné plus haut.
Les visages sont arrondis, les traits simplifiés et grossis. Là où c’est fort, c’est que malgré des yeux largement minimalistes (très simples, comme dans des cartoons), ils ne perdent pas en expressivité. D’autre part, ils sont très mignons et renforcent l’attachement que l’on éprouve au groupe principal.
Les décors sont joliment présents selon les cases et, sans être exceptionnels, font très bien leur travail. J’aimerai également souligner les splendides couvertures du manga qui sont colorées par des touches de peinture et rendent magnifiquement bien.
À l’image de son titre, Orange est un manga qui incite à la joie de vivre et à l’audace.
Son histoire invite le lecteur à pleinement profiter de sa vie pour ne rien regretter. Ses personnages sont bienveillants et chaleureux, transmettant l’espoir au lecteur. Orange, c’est un drame étonnamment optimiste et joyeux dans son fond. Une histoire sans doute niaise, mais surtout belle.
Cet article est une republication d’un article paru dans l’édition reliée n° 18 de Mag’zine, que vous :pouvez toujours aller le lire ici.