Tai Chi Chuan

Comme promis dans le précédent numéro, je vais vous présenter plus en détail certains des arts martiaux chinois.

Ce mois-ci, je commencerai par le Tai Chi Chuan, favori oblige, puisque c’est l’art que je pratique depuis quelques années. Je vais tenter, ici, de battre en brèche toutes les idées préconçues ou railleries, dont j’ai souvent eu l’écho – Ne protestez pas ! J’ai clairement entendu un « à tes souhaits », là-bas dans le fond !

Cet art n’est pas millénaire, mais presque, contrairement à d’autres plus récents, que vous avez la possibilité de pratiquer de nos jours. Également, appelé Tai Chi ou Taiji Quan, on pourrait le traduire par « boxe du faîte suprême » ou encore parfois appelé « boxe de l’ombre », à cause des mouvements du pratiquant lorsqu’il s’exerce seul.

Selon la légende

Un grand maître Shaolin, Zhan Sangfeng (XIIIe siècle), aurait décidé de faire retraite à l’âge honorable de soixante-dix ans. Lors d’une période de méditation taoïste dans la montagne, il aurait observé le combat d’une grue et d’un serpent.

La fluidité du combat lui aurait inspiré une adaptation des techniques de kung-fu qu’il connaissait, y mêlant les grands principes taoïstes. Il se serait exercé longuement et aurait enseigné ce nouvel art, pour finalement s’éteindre à l’âge vénérable de cent quarante ans.

Ce moine légendaire a fait l’objet de nombreuses histoires. Également prénommé Junbao, vous pouvez le retrouver, entre autres, dans le film « Tai Chi Master », où il est incarné par Jet Li.

Plus concrètement

Les « historiens » ne sont pas franchement d’accord sur les origines du Tai Chi Chuan.

Yang Chengfu (1883-1936), dans son « Livre complet sur les exercices du Tai chi chuan », affirme que Zhan Sangfeng a réellement transmis ses techniques à ses disciples, dans un temple du Mont Wundang.

Alors que, selon Shen Shou, auteur du « Manuel de Taijiquan » (publié en 1991), son fondateur ne serait autre que Wang Zongyue, dont le disciple aurait transmis ses techniques à la Famille Chen, du village de Chenjiagou. Les préceptes des styles modernes nous viendrait directement de Chen Changsing.

Une autre théorie, plus récente, placerait l’origine du Tai Chi, dans la Famille Li, du village de Tan Chu.

Entrons dans le vif du sujet

En tout état de cause, le Tai Chi est un art martial qui se caractérise par des mouvement fluides et souples (relâchés), utilisant à la fois les mains et les pieds, les coudes et les genoux. Les principes taoïstes sur l’énergie interne en régissent la majorité des styles, à différents niveaux.

L’énergie du souffle en est le concept directeur, elle est privilégiée à l’action musculaire et permet une plus grande variation de mouvements selon les circonstances. Le Tai Chi voit le corps comme un tout et chaque mouvement s’initie depuis les « racines » (les pieds) vers les mains pour agir, en passant par le tan tien (« centre »), situé au niveau des hanches.

Cette forme d’art se pratique essentiellement à mains nues, mais il existe également des formes avec épée, sabre, poignard, bâton ou éventail.

Les différents styles de Tai Chi,

Enseignés de nos jours, ils sont directement issus du style Wudang, dont les principaux sont :

Le style Yang, de Yang Luchan (1799-1872),

Actuellement le plus populaire, son fondateur aurait modifié les techniques du style Chen pour les rendre plus accessibles à tous. En réalité, il y a différentes écoles qui se disent du style Yang, mais leur enseignement diffère souvent.

Certaines donnent plus l’accent sur le côté lent des mouvements et la relaxation, d’autres se rapprochent plus du style Wudang originel, tout en privilégiant les mouvements lents dans leur enseignement pour permettre une meilleure compréhension des différents techniques.

Le style Chen, de Chen Fake (1887-1957)

Il est également très populaire, alternant les mouvements lents et rapides, ses « enroulements de soie » et ses « éclats explosifs » à partir de postures très basses en sont la caractéristique. Son enseignement est souvent associé à d’autres styles d’arts martiaux énergétiques, tels que le hsing hi, le baga, le tonbei quan

Le style Wù de Wu Ch’uan Yu,

Egalement appelé « chung chia » (« charpente moyenne »), il est caractérisé par des postures inclinées et des mouvements d’amplitude moyenne.

Le style Wu/Hao, du Wu Yu-hsiang (1812-1880),

Sa forme la plus courante est aussi appelée « Kai He » (« Ouverte/Fermée »)

Le style Sun, de Sun Lu Tang (1861-1932),

Il nécessite au préalable une parfaite connaissance des fondamentaux du Tao. Ce style se caractérise par des mouvements très souples et très peu extériorisés, car il met essentiellement l’accent sur l’énergie intérieure.

Plus précisément le Style Yang

Vous parlez en détail de tous les styles est difficile en un seul article, aussi vais-je plutôt me focaliser sur celui que je connais, le style Yang. J’appartiens à une école, dont le professeur est un disciple de Maître Chu King Hun, fondateur de l’école européenne de Style Yang Originel.

Originel, non pas dans le sens « revenir aux origines du Tai Chi », mais bel et bien revenir à nos propres origines. Vous allez me dire, on ne vas pas pratiquer un art ou un sport qui nous fera ressembler à des hommes de Cro-Magnon ! Rassurez-vous, cela ne va pas aussi loin, du moins pas physiquement, mais plutôt dans la réflexion sur les mouvements du corps et leurs enchaînements naturels et originels.

Nous sommes bel et bien des Homo-Sapiens, mais il n’empêche que notre ancêtre Cro-Magnon, malgré son espérance de vie limité, n’en était pas moins un bel athlète – si on oublie sa pilosité sur-développée bien sûr !

Comme dans tous styles de Tai Chi, le style Yang est régi par le précepte d’ouverture, ouverture de l’esprit mais aussi du corps, par des postures « ouvertes » afin de mieux respirer et transmettre l’énergie. Le précepte de douceur (par opposition à la force) en est également un élément essentiel pour bien développer l’énergie interne.

Le pratiquant va apprendre à développer son énergie interne au travers d’exercices taoïstes, qui servent à la fois pour l’assouplissement, la relaxation et le développement du souffle. Ensuite, il va devoir apprendre les 108 mouvements (certaines écoles enseignes des formes raccourcies, d’autres plus développées) de l’enchaînement de la forme, décomposée en trois parties : terre, homme et ciel.

La particularité du Style Yang Originel est de mettre l’accent sur l’Happy Chi (l’énergie joyeuse) par opposition au Fighting Chi (l’énergie du combat). À travers les différents exercices d’application de la forme, pratiqués avec un partenaire, on apprendre à comprendre les mécanismes inhérents à ses mouvements, et lorsque l’énergie fonctionne, l’éclat de rire est assuré !

Cette recherche se fait aussi avec un partenaire, lors de la poussée des mains (autre exercice, plus ciblé sur des mouvements raccourcis) ou encore la « figting form », qui est une forme abrégée, plus dynamique, pratiquée seul ou à deux.

L’avantage du Tai Chi Chuan

C’est que tous peuvent le pratiquer, que vous soyez sportif ou non, déjà pratiquant d’un art martial ou totalement néophyte. Comme tout art martial, sa pratique implique forcément une certaine discipline, du sérieux et l’engagement de soi, mais le bénéfice que vous en tirerez, sera proportionnellement amplifié par votre implication.

Le Tai Chi Chuan est un des arts à ne pas être réellement tourné vers la compétition, même s’il en existe quelques versions au niveau européen, comme avec la poussée des mains (pratiquée avec un adversaire cette fois) ou plus esthétique, avec des sortes de concours de démonstration de la forme.

Dans mon école, certains viennent parce que cela correspond à leur cheminement intérieur dans la voie de la non-violence, d’autres encore parce qu’ils n’ont pas trouvé dans des arts martiaux plus classiques, les principes qui leur correspondent.

Pour mon expérience personnelle, j’étais plutôt sportive, je pratiquais la danse classique, la natation, le vélo. Mais suite à un incident, j’ai dû tout abandonner. La découverte du Tai Chi Chuan m’a redonné goût à la vie et l’envie de dépasser les contraintes idiotes de mon propre corps.

Cela s’est fait en douceur, et j’ai parfois envie d’aller tirer la langue aux médecins qui ont prétendus que j’avais le choix entre passer sur le billard, pour peut-être un jour refaire du sport, ou laisser tomber et ne plus jamais pratiquer aucun sport.

Ma conclusion

Tout un chacun peut pratiquer, à plus forte raison, si vous êtes déjà en bonne condition physique pour la garder le plus longtemps possible.

Le Tai Chi Chuan est l’art le plus complet que je connaisse. Il vous permettra de vous réconcilier avec votre corps (même si vous croyez bien vous entendre avec lui, en réalité, vous lui en faites voir de toutes les couleurs et il vous le fera payer un jour) et atteindre aussi à une certaine sérénité mentale.

Son enseignement est tellement varié que vous n’aurez pas le temps de vous ennuyer, d’une année sur l’autre, vous ferez encore des découvertes, et les applications possibles ne sont pas que sportives.

Pour conclure, je vous citerai Wang Tsung Yueh : « Soit la montagne, agit comme le fleuve tumultueux », qui résume assez bien l’esprit du Tai Chi. Mais n’oubliez pas le conseil avisé de Sun Tzu : « le meilleur des guerriers est celui qui n’a plus besoin de combattre ».


Cet article est une republication d’un article paru dans l’édition reliée n° 9 de Mag’zine, que vous pouvez toujours aller le lire ici.



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Rédigé par

Tricoteuse de chiffres IRL. Garde & Petite Main du Mag'zine. Animatrice du Divan dit Vent. Phrase fétiche : « Puissiez-vous vivre des moments intéressants »

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