Madoka★Magica Movie 3 : The Rebellion Story

« Si elles allaient à l’encontre de tes désirs, te plierais-tu aux règles ? »

Enfin, après de longues années d’attente, le dernier bijou cinématographique du studio Shaft a été projeté à l’écran, pour la première fois au Japon, le 26 octobre 2013 ; puis, en France, les 22 et 23 novembre de cette même année. Je parle bien évidemment du troisième et dernier volet de la trilogie filmique Madoka★Magica : The Rebellion Story.

(Les deux premiers films, The Beginning Story et The Everlasting Story, sortis un an auparavant, retraçaient fidèlement l’histoire de la série TV, Rebellion en est la suite.)

Contexte :

Quel passionné de japanimation, en cette nouvelle année 2014, n’a jamais entendu parler de Puella Magi Madoka★Magica ? Si c’est votre cas, il est grand temps de googler un peu. Diffusée pour la première fois en janvier 2011, cette série inattendue a su marquer son passage au fer rouge. Il y a eu des spectateurs outrés, dégoûtés, enchantés, choqués, dédaigneux, fascinés, amoureux, désemparés, et bien plus encore, mais ce dont on est certain, c’est que peu d’entre eux sont restés indifférents.

Au milieu des animes divertissants qui fleurissaient à tout va cet hiver 2011, comme à chaque saison, s’est imposé cet OVNI placé sous le signe du Magical Girl qui fut frappé par un succès critique détonnant. En quelques mois, il est devenu « L’anime qui révolutionne le Magical Girl ». Nom de presse pompeux lancé en travers pour lui dérouler un tapis sur lequel il ne marche que d’un pied. En effet, si bien que son contenu contraste totalement avec sa couverture, si bien que les spectateurs ne s’attendaient pas à trouver un contenu aussi sombre dans un Magical Girl, la critique s’est trop attachée à cette dénomination et on a eu vite fait de passer à côté de sa qualité principale, celle de drame psychologique.

Bien des anime-fans sont passés royalement à côté de toutes les questions posées par l’anime, soit en invoquant l’excuse du « c’est wat ze feuk, c’est normal de rien comprendre », soit en ne voyant même pas l’ombre d’un problème d’ordre philosophique, absorbés par l’aspect divertissant de la série. Pour la plupart des fans, Madoka★Magica, c’était alors juste un bon divertissement. Et puis est arrivé The Rebellion Story.

Synopsis :

Fromage, lesbiennes, Lost Paradise, gâteau, brainfuck, lesbiennes, incubation, Adolescence of Utena, melon, fromage, Loi du Cycle, fraise, fort-da, lesbiennes, End of Evangelion, fan-service, epicness, fromage, AI YO, gunfight, WTF am I watching ?!, pomme, lesbiennes, citrouille, Faust II, fort-da, lesbiennes, fromage.

Nan, je déconne, voici un vrai synopsis :

Dans la paisible ville de Mitakihara, dès la nuit tombée, les pensées négatives des habitants torturés donne naissance à une créature du nom de Nightmare qui sublimera ses pulsions en s’attaquant à la ville. Mais alors interviennent les Puella Magi, ces filles qui, grâce au contrat passé avec Kyubey, ont obtenu des pouvoirs magiques et se sont engagées à vouer leurs vies à combattre les Nightmares, en échange de quoi un vœu leur a été exaucé par le petit animal. Elles combattent ces créatures pour que chacun fasse de beaux rêves.

Madoka Kaname, Sayaka Miki, Kyouko Sakura et Mami Tomoe, accompagnée de sa fidèle Bébé, rejointes par la nouvelle élève Homura Akemi, vont mener la chasse aux Nightmares de Mitakihara, dans ce monde resplendissant où chaque journée semble si belle qu’elle tiendrait du rêve.

Mais alors que les filles coulent des jours paisibles en unissant leurs forces contre les Nightmares, pareils à ces marées indésirables qui rendent les épaves aux hommes, les souvenirs refont peu à peu surface et Homura Akemi est bien décidée à découvrir la vérité qu’elles semblent toutes avoir oublié.

Que sont réellement les Nightmares ? Qui est Bébé ? Qu’y a-t-il en dehors de Mitakihara ? Qu’en est-il du vœu de Madoka, ainsi que de la Loi du Cycle ? Cet étrange monde est-il si néfaste ? Tant de questions auxquelles Homura cherchera les sordides réponses.

Réception :

On distingue très facilement deux types de fans de Madoka★Magica. Il y a ceux qui y voient un divertissement saisissant avec des personnages badass, et ceux qui y cherchent une réelle consistance, non pas en tant que divertissement, mais en tant qu’œuvre philosophique à part entière.

La peur s’est largement faite sentir à l’annonce d’une suite pour cette série, parmi la deuxième catégorie (la première n’ayant rien capté, ils s’en fichaient). Il s’agissait de savoir si le film prendrait le parti des anime-fans généralistes, en développant une suite cohérente avec de nouvelles révélations aussi surprenantes que dans la série d’origine, ou s’il prendrait le parti des fans plus aguerris en se chargeant d’avantage de symboliques et en développant d’autant plus de réflexions. Alors ? Quel parti ont-ils pris ?

Les deux, mon général, les DEUX !! Tout d’abord, ce film est à la fois une lettre d’amour aux fans, ainsi qu’un ultimatum. Du côté du scénario, Gen Urobuchi a orchestré autour de l’obsession d’Homura pour Madoka une demi-heure de fan-service à outrance, suivie d’un retour en force dans l’obscurité caractéristique de la série, en passant à des enjeux d’un niveau bien supérieur, le tout sans coupure franche. Puis il nous offre un final terriblement audacieux, assez pour diviser les fans les plus accrochés.

Ne manquons pas de préciser qu’une nouvelle Puella Magi répondant au nom de Nagisa Momoe a pu être introduite, et même si cela peut sembler un peu forcé, ça fait partie de la lettre d’amour aux fans, on ne va tout de même pas la rejeter. Les fans « superficiels » étaient ravis, ou pas (à cause de cette fin… haha !).

Du côté de la réalisation, Akiyuki Shinbou était au top de sa forme. Il s’est lâché complètement et a donné à cette histoire déjà bien déroutante et complexe des airs de rêve psychédélique. L’animation est à son paroxysme, tout est si beau, si envoûtant, si perturbant. Vomissant de symboliques de toutes parts, l’œuvre prend une toute autre dimension que si l’on se contentait du script d’Urobuchi, scénariste à qui on a trop tendance à donner tout le mérite de la création de la saga. Bref, il y avait aussi largement de quoi satisfaire les fans hardcore.

Avis :

Pour la forme, le développement des personnages est une fois de plus époustouflant, ma tendre Sayaka jusqu’alors mal aimée a regonflé sa cote de popularité en se présentant cette fois comme un personnage réfléchi et expérimenté (et… absolument badass !), Mami a profité de ce temps d’écran pour prouver qu’au combat, c’est elle la plus classe, Kyouko, sans les rivalités dans la balance, elle s’avère aussi très attachante au sein du groupe… et elle vit sous le même toit que Sayaka ! (Deal with it !!).

Homura a achevé de baisser dans mon estime. Désolé si vous en étiez fan. Désolé si vous l’êtes encore après ce film, mais si j’avais déjà beaucoup de mal avec ce personnage, je ne suis pas prêt de lui pardonner son comportement, il y a des claques qui se perdent. Kyubey a joué au Pokémon pendant tout le début du film, et dès qu’il ouvre sa « bouche », il se fait de nouveau haïr par tout le monde, j’adore ça, il me fascine encore plus. Nagisa, rien à dire sinon qu’elle est adorable, on avait bien besoin d’un petit truc mignon pour apaiser la cruauté de la saga, quoi qu’on en dise. Et puis, elle ne fait pas tâche une fois qu’on a compris son rôle. Je suis juste mitigé sur le personnage de Madoka que j’ai trouvé très effacé pendant le film, elle est presque survolée, mais cela sert au scénario, donc on ne dira rien. M’enfin, ça fait quand même drôle, ce n’est pas la Madoka dont on a l’habitude, et ça, Urobuchi l’a bien fait remarquer (en allant même jusqu’à dire qu’il y avait, dans ce film, trois Madoka différentes).

Si j’ai trouvé que la série avait été mal reçue, vis à vis de ce que le public en a compris, alors ce troisième film a su rebondir à merveille sur cette réception superficielle pour décupler son impact. Bien au delà du divertissement, s’il était possible de nier la présence de tout aspect philosophique dans la série, avec une bonne dose de mauvaise foi, ici, une grosse métaphore freudienne est développée pendant toute la durée du film, avec la surabondance de « fort-da » et les diverses occurrences de la bobine de ficelle. S’il faut avoir quelques connaissances en la matière pour capter ces références, alors la citation littérale du « Gott ist tot » de Nietzsche a dû échapper à moins de monde. Alors que cela peut sembler futile, c’est avec ce genre de citation qu’un spectateur lambda peut se dire « Heu… mince. Qu’est-ce que je regarde là ? C’est vraiment juste un magical girl trop dark ? ».

Évidemment, comme pour la série, on ne manque pas de critiques superficielles de gens un peu égarés, heureux d’avoir compris au moins les tournants du scénario après avoir planché dessus pendant une semaine, ni d’avis du genre « J’ai rien compris mais c’est normal, c’est du Shaft, c’est wat ze feuk », ou mieux encore « Il n’y a rien à comprendre, c’est juste une grosse montagne de prétention. Gainax > Shaft » (comme diraient nos amis élitistes, auxquels je crache allégrement au visage). Je pense que c’est trop facile de fuir la difficulté que représente le travail de réflexion auquel nous invite l’œuvre en se réfugiant derrière ce type d’arguments dénués de sens et d’intérêt. Je dirais même que si cela ne vous plaît pas de réfléchir après avoir vu un anime de ce genre, c’est que vous vous êtes trompé d’anime, même s’il vous a plu, vous avez frappé à la mauvaise porte.

Enfin bref, dans la continuité de la série, on a affaire à un requiem à l’humanité, très critiquable pour son nihilisme. Pourtant cette fois-ci, on nous offre un final plutôt positif, selon votre point de vue. En simplifiant énormément : une des choses importantes que nous dit ce film, c’est que parfois, les règles ne nous permettent pas d’être heureux. Dans ce cas, et seulement dans ce cas-là, on peut essayer de les transgresser, bafouant la légitimité en place, et voulant en instaurer une nouvelle. C’est en quelque sorte un appel à la Rébellion.

Mes regrets ? Je n’en ai pas, mais je pourrais en avoir à l’avenir : Ne faites PAS de suite* !! Par pitié !! Cette fin est parfaite, encore plus parfaite que celle de la série, alors n’écoutez pas les hordes de pseudo-fanatiques, et restez-en là, pour marquer le coup !!


Cet article est une republication d’un article paru dans l’édition reliée n° 4 de Mag’zine, que vous pouvez toujours aller lire ici.

*Le studio Shaft a sorti une nouvelle série spin-off Magia Record : Mahou Shoujo Madoka Magica Gaiden cet hiver 2020, en simulcast avec Wakanim ; une saison 2 serait à venir



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