Kaiba ; Entre onirisme et cruauté camouflée

Titre original : Kaiba

Année de production : 2008

Durée : 12 épisodes de 24 minutes

Studio : Madhouse

Genres : aventure/drame/psychologique/thriller

Origine : Œuvre originale


Le 11 Avril 2008, loin d’être une année passée sous vide (notamment avec Natsume Yujincho, Soul Eater, Code Geass S2, True Tears, pour ne citer qu’eux…), sortait au Japon « Kaiba », une œuvre en 12 épisodes, se déroulant dans un monde oscillant entre onirisme et psychédélisme.

Le tout prenant racine dans un univers space-opera, où l’échange de corps et le trafic de souvenirs sont monnaie courante. Réalisé par l’incroyable Masaaki Yuasa, rendu célèbre pour son adaptation en film d’animation du manga « Mind Game », réalisée en 2004. Même si, il est évident que nous le connaissons beaucoup mieux à travers des titres désormais devenus cultes : tels que Tatami Galaxy ou encore Ping-Pong.

Acclamé par la critique, Kaiba se verra attribuer au Japan Media Arts Festival le prix de l’excellence, pour son animation et son style hors-normes, ainsi que pour la qualité de sa bande originale. Pour information, ce n’était pas la première fois que Yuasa recevait un tel prix. Mind Game ayant déjà reçu le Grand Prix d’animation (la plus honorifique des distinctions à ce festival), lors de la session de 2004. Enfin, deux ans après Kaiba, c’était au tour de Tatami Galaxy de recevoir le Grand Prix d’animation.

Côté marketing, les ventes étaient au rendez-vous. Le label VAP, qui labellise aussi bien des artistes musicaux que des séries d’animation, avait décidé de commercialiser la série dès le 25 juin 2008, soit un mois avant la fin de sa diffusion.

Cette démarche avait pour but de sortir trois DVD : le premier, contenant les deux premiers épisodes de la série ainsi que la bande originale. Puis vint le second DVD avec 5 épisodes (du 3 au 7 inclus), sorti le 27 Août 2008. Et pour finir, le troisième DVD avec à son bord les épisodes restants. Il fût mis en vente le 22 Octobre 2008.

Actuellement, seul un éditeur australien ( Siren Visual Entertainment) possède les droits sur Kaiba. Traduction : on peut se brosser.

Ainsi, après cette « courte » présentation je vous propose de découvrir cette œuvre ô combien particulière, que ce soit à travers ses partis- pris graphiques ou bien les différentes thématiques qu’elle aborde en seulement 12 épisodes. Cet article sera séparé en plusieurs parties distinctes, afin d’éviter tout papillonnage éventuel. Il parait que je suis du genre à m’éparpiller assez facilement.

Scénario et intrigue

Je vais commencer par vous faire un « bref » (lol) résumé de l’histoire afin d’être le plus clair possible. Même si mon intention première est avant tout de vous faire découvrir l’œuvre dans laquelle, je l’espère, vous vous plongerez,

Nous nous retrouvons dans un monde qui part du principe que la mort n’est que la fin d’un corps. En outre, le roi de ce monde aurait trouvé le moyen d’extraire les souvenirs et l’âme des humains. Il est désormais possible de stocker son âme et ses souvenirs dans une petite puce en métal. Cette même puce peut-être incorporée sur un autre corps sans le moindre souci. Vous l’aurez compris, c’est la clé de l’immortalité.

Et comme vous pouvez vous douter, cette technologie va donner naissance à un véritable commerce de corps et souvenirs. Qu’est-ce qui pousse les gens à acheter ? La promesse d’un nouveau corps, jeune et vigoureux. « Tout ça c’est bien beau, mais j’ai eu une vie de **tarte aux fraises** moi »… Oubliez. Vous avez des mauvais souvenirs ? Pas d’inquiétude, vous pouvez en télécharger d’autres. Le problème avec tout ça, c’est que pour y avoir accès, il faut de l’argent, beaucoup d’argent.

C’est donc dans ce contexte peu reluisant que « Warp », notre héros, se réveille sans souvenirs. Avec pour seuls indices, un pendentif qui abrite en son sein la photo d’une jeune fille et un trou béant au niveau du ventre, accessoirement… Voilà pour le « petit » résumé, pas la peine de s’y attarder.

Tout commence ici, à cet instant précis. Nous nous retrouvons avec un personnage qui ne comprend pas ce qu’il fait là, tant mieux, c’est pareil de notre côté. Les éléments s’enchaînent les uns après les autres : un homme tente de nous tirer dessus, une autruche (vous avez bien compris) nous sauve in extremis. Après cela, elle nous emporte au loin à travers un dédale d’immeubles mais rien… « nous » ? Pourquoi « nous » ?

Si j’utilise la première personne du pluriel, c’est avant tout pour vous faire comprendre que l’immersion dans cet univers est dès le départ « optimale ». L’identification au personnage de Warp est pour le moins réussie. Tout comme lui, nous sommes perdus, sans aucun repère. Un tas de questions nous hantent : « Qui sommes-nous ? », « Pourquoi avons-nous un trou dans le ventre ? »,« Qui est cette jeune fille sur la photo ? » et j’en passe et des meilleures…

C’est une série en deux parties qui s’offre à nous. Dans la première (comptez 6-7 épisodes), Warp voyage de planète en planète afin de découvrir cet univers qu’il ne connaît plus. Servant d’introduction, ces épisodes ne seront pas sans vous rappeler Le Petit Prince de Saint-Exupéry, puisque la feuille de route et l’intention de vouloir découvrir de nouvelles choses sont les mêmes.

Les épisodes qui suivront seront plus intenses et un peu moins agréables à suivre certaines fois. Tout cela étant dû au trop plein d’informations qui nous arrive en pleine gueule. J’ai pour ma part une certaine préférence pour la première partie, centrée sur le voyage et la quête d’identité. La seconde étant tout aussi géniale, mais la profondeur des personnages laisse transparaître une intrigue obscure. Subtile et belle, certes, mais tout aussi obscure.

Animation et Design

Pour définir le style « Kaiba », il vous faut avant tout comprendre, qu’il est très particulier ; Yuasa oblige. La première chose qui m’a choqué quand j’ai commencé à regarder cette œuvre, c’est l’apparence enfantine du dessin. Des courbes rondes, des formes omniprésentes à l’écran.

À contrario de beaucoup de personnes, je ne dirais pas que Kaiba est « mignon ». Enfantin est le mot le plus approprié selon moi.La simplicité étant le maître-mot dans cette œuvre, qui s’impose comme une démonstration flamboyante de créativité et d’originalité, tant visuellement que dans sa substance.

Yuasa choisit de mouler ses personnages dans les mêmes formes et le même grain visuel que ses décors, ce qui rend ce monde assez trouble et délirant. Un monde où chacun semble être voué à perdre son enveloppe corporelle. Le tout en ayant à peine le temps d’éclater en une gelée orange, alors que notre essence s’en va virevolter au loin.

Cette œuvre est clairement u n OVNI , « une œuvre virevoltant nonchalamment dans l’imaginaire » le plus total et le plus délirant.

J’ai adoré les dessins ; cela ressemble à du Tezuka (on ressent aisément les influences à Astroboy) sous hallucinogènes. Ça a du cachet, et c’est le genre de parti-pris dont j’apprécie l’originalité.

En somme, le style visuel éclaté de Yuasa est sans doute ce qui pouvait arriver de mieux à cette prémisse qui traite de la dé-personnification et de la mémoire.

Doublage et bande-son

Soyons clair, il se dégage de cet anime une certaine poésie. Tant au niveau scénaristique que musical.

Cette fable de science-fiction se pare d’une bande sonore assez atypique. Composée par Yoshida Kiyoshi (Toki wo Kakeru Shoujo, Kurozuka, Shigurui) celle-ci s’adapte parfaitement au style fracassant de Yuasa.

La B.O. se veut donc en en adéquation totale avec l’univers. Son originalité n’est d’ailleurs plus à prouver, tant la bizarrerie de la plupart des pistes (il y en a 20), nous pousse à croire que la réalisation de celles-ci devait être assez comique.

Pour faire un comparatif, je citerais la B.O. des films Sherlock Holmes de Guy Ritchie. La musique y est souvent « cassante », « stridente » tout en arrivant à être harmonieuse. Pourtant , on a souvent l’impression que le violoniste fracasse son instrument sur la gueule d’un passant, au détour d’un carrefour.

C’est à peu près la même chose dans Kaiba. Remplacez simplement le violon et le piano par des cuivres. Autrement, la musique peut aussi y être reposante et relaxante quand la situation le permet. Elle peut aussi provoquer un profond sentiment de tristesse.

Le générique d’ouverture étant à mon sens l’incarnation d’une profonde mélancolie, il n’en est pas moins grandiose et d’une beauté sans pareille. Quant au générique de fin j’m’en carre totalement, il ne m’a pas marqué. Voilà.

Pour ce qui est du doublage… c’est banal. En somme, pas de prestations à couper le souffle sur ce point. Néanmoins, toujours aussi heureux d’entendre Romi Park !

Conclusion

Au final, Kaiba est un incroyable voyage dans un univers onirique et profond. Yuasa nous livre sur un plateau d’argent une œuvre dramatiquement humaine qui nous fait réfléchir sur « l’humain » dans sa globalité.

Cette œuvre côtoie par ailleurs les comportements les plus cruels et les histoires les plus tristes. Le tout en adoucissant la chose avec des courbes enfantines.

La série brille donc par une mise en scène tout simplement magistrale, parvenant à transmettre des sentiments profonds et des développements complexes par la seule pertinence de l’image et de la métaphore.

Néanmoins sa complexité et sa patte graphique pourront en rebuter plus d’un. Tout en sachant que j’ai beaucoup moins apprécié la deuxième partie de l’anime, tant la première était époustouflante et symbolique.

Elle n’est pas « mauvaise », seulement un peu trop brutale et entrecoupée. Elle possède quelques problèmes de rythme et l’on est entraîné par le flot d’informations au point de parfois en perdre le fil et c’est là le reproche que je ferai à l’anime.

En conclusion, l’anime possède d’innombrables qualités et même s’il n’est pas parfait (la perfection n’existe pas, c’est un concept abstrait et subjectif), loin s’en faut, il demeure une référence et une fourmilière d’idées visuelles toutes plus intéressantes les unes que les autres.

Et donc, plus que de recommander Kaiba, je vous recommanderai l’œuvre de Yuasa dans son ensemble. Sur ce, bon visionnage.


Cet article est une republication d’un article paru dans l’édition reliée n° 19 de Mag’zine, que vous :pouvez toujours aller le lire ici.



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