Fireworks ; romance d’ados
L’adolescence est-elle la période où se fondent nos plus grands regrets ? Un thème que l’on avait déjà abordé dans le dix-huitième numéro au travers du manga Orange d’Ichigo Takano et qui sera encore central dans Fireworks, le film dont il sera question aujourd’hui.
Autre similarité que partagent également les deux œuvres, une narration articulée autour du voyage temporel. Par contre, le cadre est radicalement différent. Bienvenue à Moshimo, petite ville côtière et son environnement marin particulièrement propice à l’épopée romantique que va raconter Fireworks.
À l’origine,
Fireworks, ou son titre complet Fireworks, Should We See It from the Side or the Bottom?, est un téléfilm de quarante-neuf minutes sorti en 1993, écrit et réalisé par Shunji Iwai. Le film d’animation dont il est question ici, sorti le 18 août 2017 au Japon et le 3 janvier 2018 en France, est une revisite en profondeur de l’œuvre originale. Ce qui se remarque avant tout, c’est la différence de durée entre les deux productions, la version anime durant quatre-vingt-dix minutes, soit presque le double de l’original.
À la production de l’animation, on trouve le studio Shaft, célèbre pour son identité visuelle particulièrement forte. Sur ce point d’ailleurs, le film n’en démordra pas et sera une véritable expérience purement « shaftienne ». Sans surprise, c’est le grand manitou du studio Akiyuki Shinbō qui est réalisateur en chef sur le film (comme sur quatre-vingt-dix-neuf pour cent des productions du studio depuis son arrivée en 2004).
Derrière, Nobuyuki Takeuchi se charge de la réalisation du film d’une façon bien plus concrète (Akiyuki Shinbō ne faisant que superviser). C’est la première fois qu’il occupe ce poste, lui qui occupait jusqu’alors essentiellement le poste d’animateur-clé sur des productions comme Le Château Ambulant,Bakemonogatari ou plus récemment Mary et la fleur de la sorcière.
On notera également le nom deGenki Kawamura à la production, une personne qui a déjà participé à des projets de grande qualitécomme le film Saint Young Men (adapté du manga Les vacances de Jésus et Bouddha) ou encore YourName. Pour le dessin des personnages, certains auront peut-être reconnu le style d’Akio Watanabe,notamment connu pour avoir réalisé celui de l’adaptation anime de Monogatari Series.
Et que raconte donc Fireworks ?
Une épopée amoureuse entre deux adolescents, à laquelle se mêle une touche de fantastique. Les protagonistes de cette aventure se nomment Norimichi Shimada et Nazuna Oikawa. Camarades de classe au lycée de la petite ville côtière de Moshimo, ils vont être amenés à se rapprocher après plusieurs concours de circonstances.
Tout d’abord, suite à une course de natation entre lui et son ami Yūsuke Azumi, ce dernier se verra invité par la demoiselle à assister aux feux d’artifice en sa compagnie. Ce qui enchante le jeune homme qui en pince justement pour elle. Tout comme son malheureux ami d’ailleurs.
Cependant, Yūsuke ne viendra pas au rendez-vous comme convenu et ce sera à Norimichi de tenir compagnie à sa camarade qu’il a croisée par hasard. Et c’est à ce moment qu’il apprend que Nazuna doit bientôt déménager et quitter la ville, suite au remariage de sa mère.
N’étant pas d’accord, elle souhaite fuguer et comptait faire venir avec elle le vainqueur de la course, même si Norimichi se retrouve affublé de ce rôle malgré tout.Mais voilà, la mère de Nazuma la rattrape et contraint celle-ci à rentrer chez elle, sous le regard interloqué de son ami.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais ce n’est finalement que le véritable début. Car grâce à une bille en verre, Norimichi est capable de revenir dans le passé afin de changer les choses en faisant d’autres choix. « Et si j’avais gagné la course, comment les choses auraient-elles tournées ? » s’est-il ainsi demandé avant de revenir juste au moment de cette course.
Un retour en arrière qui constitue tout le sel de l’écriture du film.
À chaque moment clé qui aura mal tourné, Norimichi reviendra ainsi en arrière afin de corriger le tir. Chaque boucle sera exécutée jusqu’à ce que le résultat le satisfasse. Et de cette manière, il arrive à s’éviter des regrets, comme avec la défaite lors de la course de natation. Il esquive les faux pas, mais également les problèmes qu’il ne pouvait éviter.
Avec ce pouvoir, Norimichi arrive à forcer le destin à prendre la direction qu’il souhaite. Au diable les soucis, un coup de bille et ça repart. Un acharnement qui en devient même touchant tellement il est teinté de la candeur de l’adolescence. Alors qu’il sait pertinemment que cette fugue amoureuse ne mènera nulle part, il continue de forcer les choses dans son sens.
Résultat, cette épopée en couple se façonne comme le souhaiterait les deux adolescents. En reniant les erreurs et mauvaises décisions, Norimichi fait tout pour vivre sa vie comme il l’entend. Qu’importe que son objectif soit absurde et impossible, il fera tout pour s’en rapprocher au maximum.
Un véritable conte qui s’illustre d’autant mieux avec l’ambiance « aventure estivale de jeunesse » qui habite le film. C’est de là qu’il puise tout son charme et sa poésie, respirant l’adolescence de son histoire jusqu’à sa réalisation.
Visuellement d’ailleurs, le film propose de très bonnes choses.
Le dessin des personnages, particulièrement soigné, est à souligner. Le character design est minutieux, la patte d’Akio Watanabe étant toujours aussi envoûtante. Elle donne un charme singulier à Nazuma, qui est baignée d’une étrange mélancolie. Son ami Norimichi a une apparence bien plus classique, mais néanmoins efficace du pur adolescent japonais.
La réalisation si particulière du studio Shaft est évidemment présente, ses fameux mouvements de tête improbables, ses décors à l’architecture strictement géométrique et ses mouvements de caméra. Certains noteront une animation 3D très rudimentaire, mais elle est assez peu présente dans le film et surtout presque pas mise en avant, rendant le tout acceptable.
Enfin, si Fireworks a une jolie bande originale, c’est surtout ses chansons qui brillent. La première, celle que l’on entend durant le climax, est « Forever Friend ». La seconde, « Uchiage Hanabi », sert de fin au long métrage. Elles sont toutes les deux chantées par Daoko, mais elle est accompagnée par Kenshi Yonezu pour la seconde.Le chanteur a également composé la musique et écrit les paroles, influençant grandement le morceau.
Fireworks est une pure histoire d’amour estivale.
Aventureux, ses personnages tâtonnent en permanence et ignorent où ils iront. Cela se ressent dans le récit qui semble nous mener nulle part. Mais la magie du film, c’est de transformer ce nulle part en n’importe où, grâce à la volonté fougueuse qui habite Norimichi.
Faisant fi de tous les actes manqués dont il a pu être témoin, il poursuit inlassablement sa route vers le monde qu’il désire, même si cela est absurde. C’est cette naïveté adolescente qui donne toute sa fraîcheur au film.
Cet article est une republication d’un article paru dans l’édition reliée n° 20-21 de Mag’zine, que vous :pouvez toujours aller le lire ici.