Cesare : Il creatore che ha distrutto

Je reviens pour vous présenter un petit bijou que j’ai découvert il y a quelques temps déjà. Bien que le titre français soit en italien, il s’agit bien d’un manga purement nippon. Initialement paru dans Morning, Cesare est publié par Kodansha, à partir de 2006. Les éditions Ki-oon ont repris le flambeau, chez nous, en 2013. Il est actuellement encore en cours de parution et comprend déjà onze tomes*.

Nonobstant la qualité de cette série, l’histoire de Cesare se déroule à une époque qui me passionne : la Renaissance italienne. Cette période de l’Histoire est riche en événements, charnière importante entre l’obscurantisme du Moyen-Age et l’esprit éclairé du Siècle des Lumières. Elle met également en scène des personnages historiques qui ne manquent pas de piquants, chacun faisant l’objet de conjectures toutes plus contradictoires les unes que les autres.

Fuyumi Soyo a pris le parti de raconter la jeunesse et la vie de César Borgia, en tentant d’illustrer l’une des théories historiques qui lui semblait la plus cohérente, faisant fi de certaines rumeurs particulièrement malveillantes sur cette figure incontournable de l’Histoire.

SYNOPSIS

L’histoire débute en 1491, avec l’arrivée à Pise, alors ville universitaire « mondialement » réputée, du jeune florentin, Angelo da Canossa, qui s’apprête à démarrer ses études supérieures.

Pise est le reflet de bien des conflits existants entre les différents royaumes ou états d’Europe et l’université qu’elle abrite, accueille notamment trois des principales factions : les florentins, les espagnols et les français.

Angelo, peu au fait des « choses » politiques, va attirer l’attention d’un autre étudiant par sa vision naïve, mais non conventionnelle, du monde dans lequel il vit. Cet élève, bien plus avancé, quoique sensiblement du même âge qu’Angelo n’est autre que Cesare Borgia.

LES PERSONNAGES

Angelo da Canossa est un jeune homme de seize ans. Il est orphelin et a été élevé par son grand-père à Florence. Quand il arrive à Pise, on pourrait presque dire qu’il « débarque de sa campagne ». Il a connu une existence assez protégée des vicissitudes du monde, tout en vivant dans un milieu modeste. La protection que Lorenzo de Medici accordait à son grand-père s’est étendue jusqu’à Angelo pour lui permettre de poursuivre ses études. Il est séduisant et dynamique, possède un coeur d’or, mais est d’une naïveté désarmante (du moins au début). Il a également une vision très idéaliste de la vie, qui a bien peu de rapport avec la réalité. Cette naïveté, mais aussi sa sincérité et son enthousiasme, vont d’abord attiser la curiosité de Cesare, qui va ensuite largement se servir d’Angelo.

Cesare Borgia est de noblesse espagnole mais il est né à Rome. Il a été élevé dans le but d’être cardinal et est déjà évêque de Pampelune, alors qu’il a le même âge qu’Angelo. Il est le chef incontesté du clan des Espagnols. Il est intelligent, ambitieux et relativement aimable avec son entourage. C’est aussi un cavalier émérite, ainsi qu’un grand combattant. Il sombre parfois dans des humeurs noires, qui le pousse soit à s’isoler, soit à chercher un bouc-émissaire sur lequel évacuer sa colère, généralement le chef du clan des Français. Il est curieux de tout, s’intéresse à tout, même si le sujet frôle l’hérésie. Il n’a aucun préjugé religieux, tout en ayant reçu une éducation très catholique. D’ailleurs, parmi sa suite, on compte quelques « convertis ». Il prend sous son aile Angelo, même si au début, il lui joue un tour pendable, histoire de dessiller les yeux du jeune naïf.

Giovanni de Medici est l’un des fils de Lorenzo de Medici. Il est envoyé à Pise, en vue d’être ordonné cardinal, lui aussi. C’est un jeune homme quelque peu lymphatique, il a cependant un grand coeur. De par sa filiation, il est le chef du clan des Florentins.

Raffaele Riario est cardinal de Pise, entre autre. Il a été impliqué quelques années auparavant dans un attentat fomenté par les ennemis des Medici. Tout en étant le cousin du cardinal Giuliano della Rovere, adversaire acharné de Rodrigo Borgia, il héberge

Cesare et sa suite, et tente de se rapprocher de Florence.

Le manga fourmille de personnages historiques ou plus ordinaires, mais laisse le loisir de découvrir les autres.

L’HISTOIRE

Cesare va prendre Angelo sous son aile, bien qu’il n’appartienne pas au même clan. D’une part, parce qu’il fait toujours ce qu’il souhaite ou presque ; d’autre part, avoir une entrée auprès du fils des Medici, étudiant lui aussi à Pise, convient parfaitement à certains de ses projets d’alliance.

Angelo, quant à lui, est si éperdu d’admiration pour l’intelligent Cesare, qui le couvre de cadeaux (il lui offre un cheval, il lui apprend à monter, il lui ouvre sa bibliothèque), qu’il n’entend pas les avertissements du bras droit de Cesare, Michelotto.

L’amitié qui liera les deux jeunes hommes est peut-être à sens unique, mais elle nous permet de découvrir nombre de personnages intéressants, tels Machiavel, Leonard de Vinci ou encore Christophe Colomb. Elle attise cependant la colère du chef du clan des Français, qui croit avoir trouver en Angelo, l’exutoire parfait. C’est sans compter sur le courage de notre jeune florentin, qui ne se laisse pas impressionner.

Nous parcourons également les coulisses des différentes menées politiques, jeu d’alliances souterraines en vu de l’imminent conclave pour élire un nouveau Pape. Rodrigo Borgia étant l’un des deux cardinaux « papabile », Cesare mène, conjointement à ses propres affaires, des tractations pour soutenir l’élection de son père.

QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR

Fuyumi Soyo est une mangaka qui (excusez-moi du terme) a de la bouteille. Elle débute sa carrière dans les années 1980, avec essentiellement des séries genre romance, tranche de vie, comme Boyfriend ou Mars. Avec le nouveau siècle, elle décide cependant de prendre un virage et se lance dans des mangas plus « sérieux », avec une première série seinen, ES Ethernal Sabbath, dans le genre fantastique, suspense. Vous ne trouverez malheureusement pas ces mangas en France, ils ne sont disponibles qu’en version originale.

Avec Cesare, Fuyumi Soyo signe là une œuvre majeure qui, pour notre plus grand bonheur, voit le talent de son auteur enfin reconnu dans l’Hexagone, grâce aux éditions Ki-oon.

De plus, elle bénéficie d’une faveur suffisamment rarissime pour être soulignée : aucune contrainte de date quant au rendu des planches. La seule intransigeance est donc celle de Fuyumi elle-même qui ne délivre ses nouveaux chapitres que lorsque la qualité du dessin la satisfait.

Son perfectionnisme va jusqu’à pousser sa documentation historique le plus loin possible afin de rendre plausible certaines libertés que le scénario prend avec l’Histoire pour lier quelques personnages importants, ou pour reproduire certains bâtiments au plus proche de l’architecture de l’époque. En cela, elle est largement épaulée par l’universitaire Motoaki Hara, spécialisé dans la Renaissance italienne, qui lui traduit la documentation directement de l’italien et supervise son travail afin de respecter au mieux le contexte historique de la Renaissance.

LES GRAPHISMES

Les décors sont vraiment détaillés et retranscrivent bien l’atmosphère de l’époque. Fuyumi nous fait d’ailleurs parfois profiter de ses recherches architecturales historiques à la fin de certains tomes.

Pour les personnages, le trait est fin, délié. Les expressions des visages sont parlantes, sans exagération caricaturale. Chacun a son identité propre, qu’il soit inventé ou historique. On devine très bien dans la physionomie de leur visage ou même par leur silhouette, les principaux traits de caractère qui les définissent.

Chaque planche est soigneusement pensée, travaillée et cela se ressent. On passerait facilement des heures à admirer une page, rien que pour la qualité du dessin, si l’intrigue ne vous entrainait toujours plus avant dans l’histoire.

POUR CONCLURE

Fuyumi Soryo a la volonté de présenter la vie de Cesare Borgia, au plus proche de la vérité, tout en lui redonnant un côté humain, grâce à Angelo. Celui-ci apporte une vision qui pourrait être la nôtre parfois et rapproche le lecteur de ce grand personnage historique. Les aventures, ou mésaventures, d’Angelo amène d’ailleurs beaucoup de légèreté et d’humour au scénario.

Que vous soyez passionné d’Histoire ou non, laissez-vous tenter, je peux vous assurer que vous ne serez pas déçu, ne serait-ce que par la beauté et la richesse des planches. Le rythme d’édition étant d’environ un tome par an, vous ne vous ruinerez pas non plus !


Cet article est une republication d’un article paru dans l’édition reliée n° 16 de Mag’zine, que vous :pouvez toujours aller le lire ici.

*la série est terminée au Japon avec 13 tomes, mais elle est encore en cours en France le12ème tome étant paru en 2020



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Rédigé par

Tricoteuse de chiffres IRL. Garde & Petite Main du Mag'zine. Animatrice du Divan dit Vent. Phrase fétiche : « Puissiez-vous vivre des moments intéressants »

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