La brute, roman de Guy des Cars

Imaginez-vous vivre et grandir : dans le noir absolu, dans un silence absolu, sans autre perception que votre odorat et votre toucher, et sans possibilité d’exprimer la terreur que cet isolement vous procure ! Impossible ! Démentiel ! Inhumain ! Voilà sans doute, les mots qui vous viendrez à l’esprit et pourtant tel est l’univers du personnage principal de ce roman de Guy des Cars, La Brute.

Une brute ! Un monstre haineux, uniquement mû par l’instinct, tel est l’impression première que nous donnera Jacques Vauthier, surtout lorsque vous saurez qu’il a sauvagement assassiné un innocent dans son sommeil, et qu’il n’hésite pas à agresser ses défenseurs. Ce roman tourne donc autour de ce crime monstrueux, et de celui qui l’a perpétré. Mais le véritable héros de cette histoire, ce n’est ni la victime, ni le coupable, mais bel et bien son ultime défenseur, Me Deliot. Un avocat pour héros ? Vous allez me dire que je suis tombée sur la tête, mais vous verrez que vous vous attacherez très vite à ce presque vieillard, falot, discret, menant une vie extrêmement routinière, mais à l’esprit savamment affuté, qui n’hésite pas à creuser profond, jusqu’aux plus sordides secrets, que d’autres n’effleureraient même pas.

Victor Deliot n’est pas avocat d’assise, il s’occupe habituellement des petits délinquants, mais est connu au Palais (tout du moins des greffiers) pour accepter les causes dont nul ne veut. Pourtant, lorsque le Grand Bâtonnier le convoque pour lui confier le cas Vauthier, il hésite car il flaire la chausse-trappe. Victor finit par accepter, et avec l’aide de sa jeune assistante et protégée, Danielle Gelly, il va se lancer dans cette affaire tortueuse avec la même sérénité et la même ténacité que s’il s’agissait d’une autre. Malgré un premier contact difficile avec Jacques Vauthier, ce dernier cherche à l’étrangler dès qu’il l’approche, Victor Deliot ne se laisse pas facilement prendre aux apparences et il devine chez son client, un être bien plus complexe et intelligent, qu’il ne veut bien le laisser paraître. Il s’attachera dès lors à découvrir les tenants et aboutissants de cette affaire, quelle qu’en soit l’issue.

Guy des Cars

Après vous avoir rendu ce bon Victor, éminemment sympathique, Guy des Cars vous transportera dans les minutes d’un procès épique. Plutôt qu’une enquête policière, il s’agit ici d’une peinture magistrale des sentiments humains : de la grandiloquence du procureur, à la rigueur du policier, de la douleur d’un père qui a perdu son fils, à la bonhommie et la grande humanité d’un Père qui a adopté un fils, de la jalousie haineuse d’une femme aigrie, à la jalousie sournoise d’un homme envieux, de la tendresse dévouée d’une enfant à l’amour sans borne d’un homme. Un nombre incalculable de palette d’émotions, jouées ou sincères, se dévoilent durant les témoignages et plaidoiries du procès. Mais là où l’auteur transcrit le mieux les vicissitudes vécues par les différents protagonistes, c’est encore à travers les questions et le plaidoyer de Victor Deliot, qui affirme son client innocent et qui déroulera pour la cour (et pour vous) la véritable histoire de Jacques Vauthier, cet infirme au génie immense.

Alors brute coupable, coupable machiavélique ou coupable par procuration ? Le fin mot de l’histoire ne laissera pas de vous surprendre, mais vous ne pourrez achever ce roman sans regret. Pourtant, tout y est dit, rien n’est laissé dans l’ombre, Jacques Vauthier sera mis en pleine lumière, lui qui ne vit qu’avec l’obscurité, mais devoir quitter Victor Deliot, un grand avocat comme on aimerait en voir souvent, sera sans doute le plus difficile (cela a été le cas pour moi).

Le roman a été écrit en 1974, aussi l’atmosphère générale pourrait dérouter les plus jeunes, mais ne vous laissez pas rebuter par si peu. C’est magnifiquement écrit et vous serez vite emportés par l’histoire, sans plus vous préoccuper du côté un peu kitsch. Il a été adapté au cinéma, en 1987, par Claude Guillemot. Jean Carmet y incarne Me Delliot, et Xavier Deluc, alors jeune acteur prometteur, y joue Jacques Vauthier.

affiche film la brute

Que vous lisiez le roman (ce que je vous conseille vivement), ou que vous ne visionnez que le film, n’hésitez pas à venir partager vos impressions, en commentaires à la suite de cette dépêche ou sur le forum de l’association.



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Rédigé par

Tricoteuse de chiffres IRL. Garde & Petite Main du Mag'zine. Animatrice du Divan dit Vent. Phrase fétiche : « Puissiez-vous vivre des moments intéressants »

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