A Silent Voice

Au risque d’avoir l’air d’enfoncer des portes ouvertes, je voulais vous faire partager mon coup de cœur manga le plus récent : A Silent Voice de Yoshitoki Oima. Pourquoi « enfoncer des portes ouvertes » ? Tout simplement parce que ce shonen a déjà créé un buzz phénoménal (et mondial), dès sa sortie au Japon. Primé par la maison d’édition Kodansha, il est tout d’abord publié sous forme de one-shot en 2011, dans le magazine Bessatsu Shonen Magazine. Puis, l’histoire sera développée en série, d’abord en prépublication dans le magazine Weekly Shonen Magazine, puis en 7 volumes aux mêmes éditions, à partir de 2013.

En France, Ki-oon ne s’est lancé dans l’édition de ce petit bijou, que depuis janvier 2015 (à raison d’un tome tous les deux-trois mois environ), nous devrons donc attendre encore un peu pour les deux derniers tomes (le tome 5 étant sorti début octobre). Et là encore, le (très sérieux) quotidien Le Monde met ce manga à l’honneur.

Pourquoi un tel engouement ? Parce que l’auteur est jeune ? Parce que l’histoire parle au cœur des jeunes lecteurs visés ? Parce qu’elle bouscule pas mal de tabous et de non-dits ? Sans doute, un peu de tout cela et, plus encore.

Tout d’abord, l’histoire :

Le manga débute avec un jeune garçon, Shoda Ishiya, qui fait les quatre cents coups avec sa bande de copains, histoire d’animer un peu les mornes journées de son quotidien scolaire. Arrive alors dans sa classe, une jeune fille, atteinte de surdité, Shoko Nishimiya. Malgré ses efforts, l’intégration n’est pas facile et Shoda n’arrivant pas à la comprendre, finit par la tourmenter à loisir, entrainant dans son jeu cruel, l’ensemble de la classe. Cependant, le jeu va trop loin, beaucoup trop loin et la mère de Shoko finit par venir protester à l’école. Suite à ça, l’ensemble de la classe accuse Shoda d’être seul responsable, et commencent à lui faire subir les mêmes mauvais traitements, voire pire. Shoko finira par changer d’école mais l’exclusion de Shoda perdurera jusqu’au lycée.

a-silent-voice,-tome-1-6Au bout de ces quelques années, Shoda est totalement isolé, n’a plus aucun ami (volontairement ou non) et envisage même à se suicider. Mais au moment fatal, le regret de ce qu’il a fait subir à Shoko le retient et l’incite à implorer son pardon, mais surtout à trouver un moyen de se racheter. Il réussira à la retrouver et cherchera, non sans difficulté, à la comprendre enfin (notamment en apprenant le langage des signes) et à en faire son amie. Mais Shoko lui garde-t-elle rancune de ces intimidations et plaisanteries cruelles, ou a-t-elle un tout autre souvenir de ces quelques mois d’école dans la même classe ?

La psychologie des personnages

Tout d’abord, Shoya est le personnage principal. En primaire, il est comme tout jeune garçon de son âge, plus préoccupé de faire toutes les bêtises imaginables, insouciant et ne portant que peu d’intérêt à l’école. Il n’aime pas réfléchir et si à son arrivée, Shoko l’intrigue, il se sent rapidement envahi d’un sentiment de colère, par incompréhension et ignorance. Il vit aussi le changement d’attitude de ses camarades comme une véritable trahison. Les rayant littéralement de son monde, il sombrera lentement dans un univers morbide et solitaire qui lui est propre.

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Sa quête pour le bonheur de Shoko fera vaciller nombre de ses convictions, il verra aussi son monde envahi par quelques indésirables mais dans l’ensemble, cela lui redonnera le goût à la vie.

Quant à Shoko, cette fillette malentendante fait d’énormes efforts pour s’adapter à la vie d’une classe normale. En primaire, ses appareils ne pallient malheureusement pas le retard qu’elle a pris par rapport à ses camarades et sa différence n’en est que plus flagrante. L’incompréhension des jeunes enfants n’en est que plus grande et la gentillesse de Shoko ne fait qu’attiser un peu plus leur méchanceté. L’éternel sourire qu’elle affiche masque cependant bien des souffrances, et Shoya s’y laisse piéger longtemps, même lorsqu’il la retrouve enfin.

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Les autres personnages, que je ne détaillerai pas ici pour ne pas vous gâcher la découverte, sont tout aussi bien dépeints. Avec justesse, les caractères se devinent, puis s’affirment. Les sourires ou bravades de façade craquent plus ou moins vite pour dévoiler au lecteur toutes les petites désillusions ou grands drames de ces jeunes aux portes de l’avenir.

Une mangaka en herbe ou une star montante ?

Auteur-ASilentVoiceYoshitomi Oima est passionnée de dessins depuis son plus jeune âge. Sans avoir de handicap elle-même, elle est sensibilisée au sujet par sa mère qui est interprète en langage des signes. Yoshitomi n’a que  19 ans lors qu’elle participe au concours pour jeunes auteurs organisé par Kodansha. La thématique de son one-shot a peut-être contribué en bonne part à son succès, mais son coup de crayon n’en est pas moins intéressant.

Alliant symbolisme et réalisme, Yoshitomi Oima a su conquérir son public. Le trait sûr, aussi à l’aise avec les scènes de « grand champ » qu’avec le détail minutieux d’un gros plan, elle fait montre d’un talent certain dans la plus grande simplicité. Moi qui suit habituellement une inconditionnelle du dessin très détaillé et approfondi, j’ai agréablement été surprise par la richesse d’expression de cette mangaka.

Elle est encore bien jeune, mais j’espère qu’elle développera son talent au delà de cette première œuvre, car je la suivrai certainement avec beaucoup de plaisir.

Mon avis

J’ai vraiment eu un énorme coup de cœur pour cette histoire dès les premiers tomes, et je résiste vaillamment à la tentation d’en chercher les scansubs (qui ne manquent pas) et attend patiemment la sortie des tomes suivants (enfin, j’ai tenu jusqu’à maintenant, même si je grille littéralement de savoir la suite…). Je l’ai découvert complètement par hasard en prime. Oui, moi et l’actualité, ça fait deux en général, voire quatre, étant plutôt du genre goulue qui veut tout avaler d’un trait ! C’est même un miracle quand mes découvertes cadrent avec une sortie récente (merci à ma libraire préférée lorsque c’est le cas, comme ici !). Bref, si le sujet est sensible, il est néanmoins traité avec beaucoup de délicatesse, mais sans fausse pudeur. Même s’il est destiné à un jeune public, A Silent Voice devrait pouvoir plaire à tout le monde.

Alors n’hésitez pas à le lire et venez nous rapporter en commentaire vos impressions sur ce petit chef d’œuvre.

 

New : Sortie de l’adaptation en film d’animation en France, le 22/08/2018



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Rédigé par

Tricoteuse de chiffres IRL. Garde & Petite Main du Mag'zine. Animatrice du Divan dit Vent. Phrase fétiche : « Puissiez-vous vivre des moments intéressants »

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