Sandremonde ; Terre de souffrance
Ici encore, je vais vous présenter un premier roman, d’un tout nouvel auteur français, puisque publié en 2020 aux éditions Actes Sud : Sandremonde, de Jean-Luc Deparis. L’illustration de couverture a été réalisée par Emmanuel Bouley.
L’univers
L’histoire se déroule dans un univers d’héroïc-fantasy, de type médiéval. Sandremonde est dominé par l’Église d’Isidis, déesse céleste, qui impose à ses habitants, les Kerridens, un joug de terreur religieuse. Les Kerridens sont divisés entre les Chapelains, dirigé par un Czar, et le reste de la plèbe qui pullulent dans les villes marchandes. Les religieux, prêtres et moines-soldats, forment une caste à part, dirigée par le Collège des Cardinaux.
Les plus « chanceux » des Chapelains bénéficient de fiefs protégés par les bornes-frontières magiques d’Isidis, en échange d’une vie de servitude et de combats incessants entre fiefs. En effet, chaque Chapelle est située dans les basses montagnes de Sandremonde et ne dispose que de mines et de l’artisanat comme moyens de subsistance.
Il leur est donc nécessaire d’envoyer des caravanes pour commercer et acheter la nourriture qui leur permettra de passer la saison des glaces. Pour ce faire, les Chapelains doivent traverser les terres médianes, envahies de Sémorns, peuplade nomade, sauvage et sanguinaire, au risque de se faire attaquer par les combattants des autres Chapelles.
Les moins « chanceux » sont condamnés à une vie de misère dans les cités marchandes, en attendant que l’Église veuille bien les récompenser de leurs offrandes, avec l’attribution d’un fief. Et au pire, pour les Chapelains tombés en disgrâce, le risque d’être tués ou bannis de leurs fiefs, manu militari par les moines-soldats, pour errer dans les terres médianes.
Havres de stabilité, dans ce monde instable, les enclaves des Mélankins, un peuple de petits hommes cultivateurs et pacifiques, protégé par l’Église, assurent la fourniture des céréales nécessaires à la survie des Kerridens. Pour ces derniers, le seul moyen d’échapper aux souffrances des vivants, c’est d’être accueillis après la mort dans le Monde Serein, à condition de soutenir le jugement de la terrible Isidis.
L’histoire

L’histoire débute dans un fief, lorsque qu’une expédition en partance pour attaquer la caravane d’une autre Chapelle, découvre une enfant de huit ans environ, Elyz-Ana, qui a survécu au poison des bornes-frontières. L’enfant a la peau noire, des yeux d’azur, une chevelure de neige, parle une langue étrange et a perdu la mémoire.
Malgré le risque d’excommunication et à l’insu de son Czar, le chevalier qui dirige le corps d’expédition prend soin de l’enfant qui ressemble à une Shaeël-Faar, peuplade légendaire qui a disparu depuis des temps immémoriaux (ou n’a jamais existé selon certains). Cependant, l’Église apprend son existence et tente de capturer l’enfant.
Avec l’aide de quelques Kerridens, qui ne voient que son innocence d’enfant, elle réussit à échapper aux moines-soldats et, est conduite dans la cité d’Atabeg. Là, auprès des parias parmi les parias, une guilde d’assassins va la prendre sous son aile et lui permettre de grandir en toute sérénité. Elyz-Ana y découvrira un nouvel univers, bien différent des fiefs, mais aussi une religion cachée bien différente de celle terriblement écrasante d’Isidis. Pourtant, l’Église finira par se souvenir d’elle, lorsque d’étranges cavaliers sombres commencent à parcourir impunément les fiefs protégés, tuant tous ceux qui croisent leur route.
Elyz-Ana va devoir à nouveau fuir, mais elle est adulte désormais et une sicaire accomplie. Elle se lance alors à la recherche de ces fameux cavaliers, qui semblent appartenir au même peuple qu’elle. Commencera pour elle une grande aventure qui lui fera découvrir son passé oublié, mais aussi son véritable destin, désignée comme leur messagère par les dieux souterrains du peuple boréen, dans une contrée désolée où la magie suinte littéralement du sol. Elle pourra accomplir ainsi sa vengeance envers l’Église, qui l’a poursuivi toute sa vie, et peut-être sauver les derniers survivants de son peuple, en accomplissant la quête qui lui a été confiée.
Mon avis

Jean-Luc Deparis, passionné par les livres qui « transportent dans les mondes imaginaires », réussit ici un beau premier roman. L’histoire est prenante, même si les premiers chapitres qui servent à mettre en place l’univers de Sandremonde, peuvent paraître un peu longuets.
Le style est fluide, les descriptions pas trop longues et suffisamment explicites pour chatouiller l’imagination du lecteur. La magie est présente partout, même si pour les Kerridens, c’est l’Église qui en a le monopole. Du moins, est-ce ainsi que le Collège des Cardinaux prétend régner sur Sandremonde. Cependant, d’autres peuples sont doués de façon naturelle pour la magie, au grand dam de l’Église, qui tente de dissimuler la vérité aux yeux de ses ouailles.
J’ai vraiment accroché à cet univers et, arrivée à la fin du roman, j’avais comme un goût d’encore. J’espère que Jean-Luc Deparis ne s’arrêtera pas en si bon chemin et vous invite à découvrir Sandremonde par vous-même.
Cet article est une republication d’un article paru dans l’édition reliée n° 26-27 de Mag’zine, que vous pouvez toujours aller le lire ici.

